dimanche 25 septembre 2011

La porte étroite


La porte étroite est une œuvre d'André Gide, publiée en 1909 et considérée par son auteur comme un récit, et non comme un roman, comme le signale son narrateur Jérôme dès les premières lignes : "D'autres en auraient pu faire un livre; mais l'histoire que je raconte ici, j'ai mis toute ma force à la vivre et ma vertu s'y est usée. J'écrirai donc très simplement mes souvenirs, et s'ils sont en lambeaux par endroits, je n'aurai recours à aucune invention pour les rapiécer ou les joindre; l'effort que j'apporterais à leur apprêt gênerait le dernier plaisir que j'espère trouver à les dire".

La porte étroite est la toute première œuvre d'André Gide qui me passe entre les mains, j'attendais donc beaucoup de cette première impression. J'ai été plutôt déçu dans un premier temps. En effet, étant d'une naïveté sans nom, j'omets régulièrement de me poser la question de savoir si l'auteur a volontairement ou non donné une certaine teinte à son récit, cette teinte qui favorise soit mon attrait pour l’œuvre, soit mon rejet de celle-ci. Et en l’occurrence, il semblerait que ce soit le cas pour André Gide (volontaire). Certaines critiques invitent à penser cette œuvre par opposition à L'Immoraliste, comme l'avait suggéré Gide lui même (voir ici), mais comme je ne l'ai pas (encore) lu, je ne peux pas faire de parallèle.

Bref ! La porte étroite relate essentiellement la relation qui unit le narrateur, Jérôme, à sa cousine Alissa. Depuis leur plus tendre jeunesse, un lien étroit unit ces deux personnes. Ils sont amoureux, à leur manière, et se complaisent dans une forte piété et ferveur religieuse, alimentée par des lectures communes. Tant et si bien que Jérôme commence à réfléchir tout doucement à l'idée d'épouser Alissa, et s'efforce alors d'être un modèle de vertu pour lui plaire. Mais tout n'est pas aussi simple puisqu'on découvre que Juliette, la seconde cousine, est aussi amoureuse de Jérôme. Alissa, de nature plus réservée que Juliette, va alors chercher à s'effacer au profit de celle-ci. Mais Juliette se sacrifie finalement en se mariant avec un homme qui la courtise (mais qui ne lui plaît pas forcément), pour laisser le champ libre à sa sœur.

Mais les choses ne sont pas résolues pour autant puisque après séparations, retrouvailles et longues correspondances enflammées, les jeunes gens ressentent une gêne inexpliquée à ce sentir l'un près de l'autre. C'est le décalage amer entre la beauté des mots échangés et la confrontation à la réalité. Alissa prend alors la décision de faire se séparer leurs chemins afin que tous deux puissent cheminer plus tranquillement vers dieu, pour se retrouver ensuite auprès de lui. Elle s'éloigne alors de Jérôme en changeant physiquement (elle ne mange plus et s'affaiblit) et en lisant des livres qui déplaisent au jeune homme. Ce dernier ne la reconnaît plus et s'éloigne effectivement d'elle. Une dernière rencontre n'est pas des plus concluantes, et Alissa finit par s'enfuir de chez elle, pour aller mourir seule, à Paris (à 25 ans environ). Son journal intime est inséré à la fin du récit et nous met face à ses doutes, sa ferveur religieuse et son obsession pour le sacrifice. Ferveur qui, en l'occurrence, lui fait se poser beaucoup de questions au sujet du droit au bonheur, à l'amour, au désir.

J'apprécie finalement cette œuvre pour son côté dérangeant, voire malsain. J'ai clairement détesté Alissa, particulièrement pour son goût immodéré pour le sacrifice. La jeune fille est certes, emplie de doutes et de craintes, mais sa manie de faire "subir" aux autres les choix qu'elle estime elle être les meilleurs (puisque conformes à ses interprétations religieuses) est insupportable. D'autant plus que le sacrifice de sa sœur est finalement vain, puisque Alissa n'en profite pas. Elle fonde sa vie sur la métaphore de la porte étroite, tirée des paroles du Christ : "Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car la porte large et le chemin spacieux mènent à la perdition, et nombreux sont ceux qui y passent; mais étroite est la porte et resserrée la voie qui conduisent à la Vie, et il en est peu qui les trouvent". Malheureusement, plus qu'à une vie stricte et "étroite", elle se limite finalement à penser beaucoup trop étroitement et finit par mourir seule.

L'autre point intéressant et dérangeant, quoique moins malsain, est la correspondance entre Jérôme et Alissa. Tantôt enflammée mais toujours pure, tantôt pleine de promesses, elle plonge presque à chaque fois les deux jeunes gens dans un profond embarras dès qu'ils sont en présence l'un de l'autre et que les actes ne suivent plus les paroles. C'est un amour presque outrancier, trop gros pour les deux protagonistes qui s'affiche dans leur correspondance, et la réalité est douloureuse : on passe ainsi régulièrement d'une Alissa confiante ("Qu'aurions-nous à nous dire que nous ne nous soyons déjà écrit ? [...] N'aurons-nous pas toute la vie ?") à une Alissa pleine de doutes : ("Mon ami, quel triste revoir ! tu semblais dire que la faute en était aux autres, mais tu n'as pas pu t'en persuader toi même. Et maintenant je crois, je sais qu'il en sera toujours ainsi. Ah ! je t'en prie, ne nous revoyons plus ! Pourquoi cette gêne, ce sentiment de fausse position, cette paralysie, ce mutisme, quand nous avons tout à nous dire ?").

Bref, une œuvre que j'ai détesté au premier abord, mais que j'apprécie finalement, Gide nous mettant mal à l'aise plutôt efficacement.

Pour finir, si quelques littéraires passent par ici et pouvaient me conseiller d'autres œuvres d'André Gide, je suis preneur !

1 commentaire:

  1. Je n'en ai lu que deux de Gide, les Faux-Monnayeurs et l'Immoraliste, et tous deux m'ont beaucoup plu.

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