lundi 26 décembre 2011

La promesse de l'aube




La promesse de l'aube est un roman autobiographique de Romain Gary, paru en 1960. L’œuvre est plus d'inspiration autobiographique que véritablement autobiographique, puisque l'auteur explique que "Ce livre est d'inspiration autobiographique, mais ce n'est pas une autobiographie. Mon métier d'orfèvre, mon souci de l'an s'est à chaque instant glissé entre l'événement et son expression littéraire, entre la réalité et l’œuvre qui s'en réclamait. Sous la plume, sous le pinceau, sous le burin, toute vérité se réduit seulement à une vérité artistique." 

Romain Gary conte donc son enfance, depuis Vilnius où il est né, puis son passage en Pologne et en Russie, pour finir avec son installation à Nice lorsqu'il a 14 ans. Le jeune homme n'a alors jamais connu son père et vit avec sa mère qui l'élève seule. Sa mère, ancienne actrice juive, ne rêve que d'une chose : que son fils devienne un homme célèbre et reconnu. Et cette espérance va justifier tous les sacrifices effectués par la mère de Romain Gary : privations, travail parfois illégal ou épuisant. Plus que l'histoire d'une vie, c'est l'histoire d'un lien très fort entre deux personnes qui nous est contée. Car l'enfant ressent très tôt le poids de ses responsabilités sur ses épaules. Pour satisfaire l'ambition que sa mère a pour lui, il s'essayera successivement au théâtre, au violon, à la peinture, à la danse, au chant, pour finalement choisir de faire carrière en tant qu'écrivain. Dès l'âge de 14 ans, le jeune homme noircit des pages entières de tentatives de roman et de recherches de pseudonymes. Mais démarrer une carrière d'écrivain n'est pas chose aisée, et la mère et le fils doivent se soutenir mutuellement pour continuer d'espérer.

Le jeune homme grandit, et sa mère acquiert alors une situation financière stable. Romain va dès lors se consacrer entièrement à l'écriture et à des études de droit à Paris. Il devient élève officier à l'école de l'air de Salon-de-Provence. Il est pilote pendant la guerre, mais l'armistice vite signé, il décide de rejoindre les Forces Aériennes Françaises Libres (FAFL), une branche des Forces Françaises Libres, pour continuer à se battre. Il combat ainsi en Grande-Bretagne et en Afrique. Tout en assumant son activité de soldat, il continue d'écrire. Sa mère vieillit et semble de plus en plus fragile, ce qui ajoute la pression du temps à ses contraintes. Il réussit cependant à se faire publier. Il échange des lettres avec sa mère pour rester en contact, et rêve du jour où il rentrera triomphalement à Nice, avec ses décorations de soldat et ses œuvres publiées. Mais lorsqu'il rentre enfin, il apprend que sa mère est morte depuis trois ans, et que les lettres qu'il reçoit depuis trois ans ont en fait été écrites à l'avance et envoyées à intervalles réguliers. Ultime sacrifice d'une mère qui savait que son fils aurait besoin d'elle pour aller au bout de son destin. C'est une "fin" très rude, dès lors que l'on a digéré et intégré tout au long de l’œuvre le lien quasiment symbiotique qui unit Romain Gary à sa mère.

L'essence même de l’œuvre, l'amour entre les deux personnages, s'expriment très bien dans un court paragraphe, dès le chapitre 4. Romain Gary y évoque ce que la puissance de l'amour de sa mère, qui le laisse presque handicapé sentimentalement lorsqu'elle n'est plus là : « Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants. »

J'ai beaucoup apprécié cet œuvre, où l'on a affaire à une histoire et des personnages profondément humains. J'ai rarement eu l'occasion de lire un livre relatant un amour filial aussi important. De plus,les moindres péripéties de la vie de Romain Gary sont agréables à lire, et sa vie pendant la Seconde Guerre Mondiale est passionnante. Et l'auteur de conclure, comme dernière phrase de son roman : "j'ai vécu".

dimanche 11 décembre 2011

Bioshock 2



Me voici de retour pour le test de Bioshock 2 que j'avais promis ! Du même éditeur (2K), le jeu est sorti en février 2010, 3 ans après la sortie du premier. Souvent décriée à cause de son manque de renouvellement par rapport à Bioshock, cette suite m'a paru tout de même tenir un certain nombre de ses promesses.

Une suite est une suite !

Alors certes, on pourrait reprocher à Bioshock 2 de ne pas nous émerveiller autant que son prédécesseur. Mais comme l'indique ci-dessus mon titre très inspiré, une suite reste une suite, et cela implique généralement de reprendre bon nombre de choses pour les améliorer ensuite. La surprise est donc moins de rigueur, on est plutôt dans l'amélioration du crû. Et ce second opus ne s'en tire pas trop mal à mon goût. Un point important a tout d'abord été corrigé : la facilité. Bioshock premier du nom était effectivement parfois trop facile, surtout à partir d'un certain moment quand notre héros disposait de toutes les armes disponibles et d'un grand nombre de plasmides. On se souvient notamment de l'arbalète, un poil trop puissante, et qui permettait de faire des ravages quand elle était combinée à l'invisibilité (je suis invisible, je vise tranquillement, et je tue n'importe quel ennemi d'un seul coup). 

Plus possible désormais ! Tout d'abord, les armes ont été renouvelées et sont moins puissantes, même si l'ensemble reste correct. Les idées des différentes munitions et de l'amélioration des armes ont été conservées, mais mieux équilibrées (il n'est plus possible d'améliorer toutes les armes, ce qui oblige à faire un choix). Par ailleurs, la quantité de trousses de soins/seringues d'Eve que l'on peut transporter a été réduite, ne facilitant pas la tâche et incitant à une plus grande prudence.

Par ailleurs, les fins de niveaux sont désormais ponctuées par l'apparition des "grandes sœurs" faisant office de boss, et toujours relativement difficiles à battre.

Une grande sœur

La même chose ... mais en mieux !

De nombreux aspects du jeu sont améliorés dans cette suite. Tout d'abord, je trouve qu'il y a un réel effort de creuser un peu plus l'aspect graphique du jeu. On aurait très bien pu se retrouver face à un clone du premier opus en ce qui concerne l'environnement. Certes, on reste à Rapture et les décors restent majoritairement les mêmes. Mais l'ensemble est tout de même plus construit : on peut regarder par les hublots pour admirer les fonds sous marins, voire arpenter ces fonds lors de nos quelques sorties à l'extérieur via un sas sécurisé, et continuer d'admirer l'environnement de Rapture.

Le bestiaire d'ennemis a également été renouvelé, ne serait-ce qu'avec l'ajout des "grandes sœurs" évoquées au dessus. Mais on découvrira également de nouveaux types de protecteurs et de nouveaux chrosômes en plus d'un renforcement de la difficulté de ceux existant déjà. La manière d'effectuer les recherches sur les ennemis a été légèrement changée et est plus intéressante. On ne se contente plus de prendre des photos mais on filme carrément son ennemi pendant que l'on teste sur lui différentes armes ou plasmides pour voir lequel est le plus efficace. Au fur et à mesure, on obtient des récompenses diverses pour ces recherches (augmentation des dégâts sur tel type d'ennemi par exemple).

On a enfin la possibilité de se balader sous l'eau !

Le gameplay a base d'armes et de plasmides reste sensiblement le même, mis à part le fait qu'il est désormais possible d'utiliser les deux en même temps, pour une meilleure symbiose entre les actions. On pourrait arguer que ce changement facilite trop la tâche du joueur, mais la hausse du niveau de difficulté, avec des monstres plus robustes, des armes moins puissantes et des soins moins disponibles permet d'équilibrer la donne. Beaucoup de plasmides restent inchangés, mis à part quand on les améliore, puisque leur utilisation change alors légèrement (par exemple, une fois augmenté du niveau 1 à 2, le plasmide "arc électrique" permettra d'envoyer une chaîne d'éclairs qui rebondit sur les ennemis proches de la cible initiale, plutôt qu'une seule décharge sur la cible initiale).

Le concept de piratage des tourelles, caméras et portes de sécurité a été conservé, mais le mini-jeu a changé et est beaucoup moins ennuyeux (tout en restant suffisamment difficile) que le mini-jeu de Bioshock, qui avait tendance à énerver à la longue (notamment quand le casse tête était impossible à réaliser).

Les protecteurs spécialisés "je fonce dans le tas avec ma foreuse" sont toujours là

Pour finir, le gameplay reste globalement le même dans les grandes lignes. On note cependant l'apparition de phases de jeu spéciales qui rythment la progression. En effet, il ne s'agit cette fois-ci pas de libérer uniquement les petites sœurs mais également de les faire travailler pour vous ! Une fois son protecteur occis, la petite sœur se joint à vous et recueille de l'Adam pour votre compte. Mais cette opération a tendance à attirer une horde de chrosômes, ce qui oblige à préparer le terrain avant la récolte (en posant des pièges de toute sorte). Une fois tout ceci terminé, vous avez encore le choix de libérer la petite sœur en lui prenant une quantité moindre d'Adam ou de la tuer en lui prenant tout son Adam (nécessaire à l'augmentation de vos pouvoirs). 

Quid du scénar' ?

Bioshock 2 n'est pas en reste concernant son scénario. L'histoire est toujours aussi prenante. On incarne cette fois-ci un protecteur (oui, les gros trucs en scaphandre et armés jusqu'au dents, la classe non ?) d'une série obsolète (ce qui explique que l'on soit tout de même vulnérable aux attaques des chrosômes). Un petit point noir cependant, le début du jeu est trop similaire au début du premier jeu (j'ai carrément eu l'impression de rejouer au premier). Fort heureusement, le scénario se met ensuite en place et on oublie vite ce pépin.

En tant que protecteur, notre héros avait une petite sœur à sa charge, Eleanor Lamb, et avait tissé des liens très forts avec elle. Mais la mère d'Eleanor, Sofia Lamb, intervient pour récupérer sa fille, et fait se suicider son protecteur, grâce au plasmide d'hypnose (la cinématique d'introduction est d'ailleurs plutôt impressionnante). 10 ans plus tard, notre héros se réveille et doit retrouver Eleanor, aidé par le docteur Tenenbaum. Pour cela, il va devoir affronter Sofia Lamb, qui est devenue la maîtresse de Rapture et de ses hordes de chrosômes.

Sofia Lamb

Le concept de développement du scénario n'a pas changé, pour notre plus grand plaisir. En plus des évènements rencontrés par notre héros, on retrouve des journaux audios de personnages importants, éclairant certaines zones de l'histoire. On trouve également des journaux audios d'habitants quelconques de Rapture (les parents d'une enfant capturée et transformée en petite sœur, par exemple), qui permettent de renforcer l'immersion au sein de la ville sous-marine et de son environnement. Les rebondissements du scénario, parfois peu innovants, restent cependant intéressants, d'autant plus qu'on en apprend toujours davantage sur les personnages de l'histoire (notamment des personnages ayant un rapport avec la vie de notre héros et que l'on peut décider de tuer ou pas). On découvre par exemple les "chambres" des petite sœurs, où on ne peut mesure qu'avec effroi la force du conditionnement qui leur a été imposé. Par ailleurs, certaines phases de jeu sont très particulières (comme lorsqu'on incarne temporairement une petite sœur) et particulièrement passionnantes.

Bref, malgré quelques défauts, Bioshock 2 reste à mon goût une très bonne suite du premier jeu !

lundi 28 novembre 2011

Rahxephon


Rahxephon est un animé de 26 épisodes des studio Bones, studio notamment connu grâce aux séries Full Metal Alchemist ou Eureka Seven. Bon, je ne vais pas y aller par quatre chemins et annoncer tout de suite que je n'ai pas du tout aimé cette série. Les animés dont je n'ai pas regardé les épisodes jusqu'au bout se comptent sur les doigts d'une main, et Rahxephon en fait désormais partie.

Kamino Ayato est un jeune lycéen vivant à Tokyo. Il se rend au lycée comme tout les matins, mais son métro a un accident, et il découvre en sortant de celui-ci que la ville est attaquée par un envahisseur inconnu. Tandis que d'étranges créatures défendent la ville contre l'envahisseur, Ayato fuit les combats et rencontre Mishima Reika, une mystérieuse fille qu'il croit connaître. Avec elle, il découvre un gigantesque œuf. Reika se met à chanter, l’œuf éclot et naît RahXephon, un robot (ou pas ?) humanoïde gigantesque. Ayato se retrouve à "piloter" cette gigantesque entité, perd connaissance, et se réveille troublé par des images de son combat. Perturbé notamment par la découverte que le sang de sa mère est bleu, il s'enfuit de Tokyo qui était jusqu'alors isolée, avec l'aide d'Haruka, une inconnue qui se propose de l'aider. Il découvre alors que Tokyo est en fait dirigé par MU, un ennemi de l'humanité, dont sa mère fait partie. Ayato rejoint alors la TERRA Intelligence avec l'aide d'Haruka, et va désormais combattre le monde qu'il a connu.

Kamino Ayato, le héros qui passe la moitié de la série à avoir des hallucinations ou à s'évanouir

J'ai l'impression que Rahxephon a voulu reproduire le côté un peu "mystique" de la série Evangelion, mais sans y parvenir. Du coup on est face à un animé complètement incompréhensible et lassant. Les épisodes traînent en longueur et sont très souvent construits sur le même schéma : Ayato est confronté à un problème, généralement une créature à combattre qui échappe à toute compréhension, il n'arrive pas à vaincre la créature et a des hallucinations/s'évanouit/crie au secours/devient fou. Puis intervient un évènement bizarre (Kamino rencontre Reika dans son esprit, Reika se met à chanter, etc) qui permet à Ayato de triompher de manière inexplicable de ses adversaires, et tout le monde est content. Au final, on n'attend plus rien des scènes d'action, puisqu'on sait qu'on ne comprendra rien de toute façon.

Rahxephon

 En dehors des combats, il ne se passe pas grand chose, à part le développement de sentiments horriblement mièvres entre les personnages, bref, rien de bien passionnant. La moitié des personnages a son passé propre et ses secrets, mais l'ensemble est généralement tellement fade qu'on regrette d'avoir patienté aussi longtemps pour tout découvrir. En plus de cela, certains protagonistes semblent agir en dehors de toute logique. Mention spéciale à Quon Kisaragi, qui fait parti de Terra Incognita et qui passe la moitié de son temps soit à débiter un flot de paroles incompréhensible, soit à chanter (et c'est un des personnages les plus importants de la série).

Salut, moi c'est Quon, je dis n'importe quoi mais comme j'ai une grosse poitrine, je remplis mon rôle dans la série

 Au niveau du character design, c'est assez correct, rien de bien transcendant. La série ne s'essouffle pas au fil des épisodes, il faut au moins lui reconnaître ça. Côté mécha design, Rahxephon n'est pas moche, mais on a vu des robots mieux foutus. Les créatures ennemies ont un look un peu bizarre (et mystique) mais passable.

Bref, je n'ai vraiment pas du tout aimé cette série, un conseil, passez-votre chemin ! Pour plus d'infos sur Rahxephon : la fiche Animeka.

lundi 14 novembre 2011

Bioshock



Bioshock est un FPS développé par 2K Games et sorti en août 2007. J'avais beaucoup entendu parler de ce FPS, très "spécial" d'après les nombreux échos qui me parvenaient. J'ai donc décidé de m'intéresser un peu plus en détail à ce jeu.

Du scénar'

Je dois dire que je n'ai pas été déçu. Il se dégage de Bioshock une ambiance particulière et un charme indéniable. Le tout repose en grande partie sur le scénario développé dans le jeu. Suite à un accident d'avion en pleine mer, le héros que l'on incarne et dont l'on sait très peu de choses découvre une ville sous marine : Rapture, fondée par l'idéaliste Andrew Ryan. Son but était d'ériger une ville sous les flots qui soit à l'abri du monde extérieur, où les artistes puissent s'exprimer librement et les travailleurs conserver les fruits de leur travail sans risquer de se le faire voler par les "parasites".

Cependant, lorsque l'on débarque à Rapture, celle-ci n'est plus que l'ombre d'elle même. L'une des particularités de la ville était son avancée en matière de recherche et de technologie génétique, puisqu'il était désormais possible de faire modifier génétiquement son corps par le biais des "plasmides" pour acquérir des compétences particulières. Mais le cerveau humain n'arrive pas à suivre une aussi brutale évolution, et la grande majorité de la population s'est changée en "chrosômes".

Un chrosôme plafonnier, un truc flippant qui rampe au plafond avec des crochets de boucher

Ces chrosômes sont généralement des humains présentant de sévères (quand ce n'est pas horrible) modifications de leur physionomie à force de modification génétique. Ils sont mus par leur dépendance à l'Adam, substance qui les maintient en vie en aidant leur corps à supporter les mutations. Le hic, c'est que l'Adam ne se trouve que sur les cadavres, et n'est récoltable que par les "petites sœurs" qui sont des petites filles conditionnées pour s'acquitter de cette tâche. Étant la cible de toutes les convoitises, elles sont accompagnées de protecteurs, ou "Big Daddy" lourdement armés.

Bref vous l'aurez compris, on a affaire à un univers spécial très bien défini. On est complètement "immergés" dans cette ville sous-marine, silencieuse, dangereuse, ravagée, sombre mais haute en couleurs. Nos pérégrinations nous amènent à visiter différents endroits de la ville, on se fraye un chemin dans les décombres en admirant parfois les profondeurs de l'océan en passant dans un tunnel entièrement vitré. La progression est plutôt bien rythmée. Ne sachant pas qui on est et devant les intrigues de Rapture, nos objectifs évoluent rapidement, pour notre plus grand plaisir.

Une ... charmante "petite sœur" et sa seringue récolteuse d'Adam

Un gameplay nerveux et gonflé aux piquouses

Aussitôt aidé par un inconnu dont vous ne savez rien en arrivant à Rapture, on comprend très vite qu'on ne survivra pas dans la cité sans une bonne paire de flingues et ... des modifications génétiques. Côté arsenal, c'est le bonheur, de l'arme de poing (clé anglaise) au lance grenade, en passant par le fusil mitrailleur, le classique fusil à pompe, le pistolet et même l'arbalète. Chaque arme dispose de trois types de munitions différentes pour des effets variés très appréciables selon les situations. Par exemple, l'arbalète dispose de carreaux piégés qui tendent des fils électriques, et le fusil à pompe peut tirer des cartouches ioniques ou explosives pour électrifier ou mettre le feu à la cible. Certains ennemis sont plus vulnérables à certaines munitions et il faut donc s'adapter en temps réel. La présence de terminaux d'amélioration d'armes permet d'optimiser votre arsenal. On peut cependant déplorer leur trop grande présence tout au long du jeu, puisqu'il y en a suffisamment pour améliorer toutes les armes là où il aurait peut être été plus intéressant d'obliger le joueur à se spécialiser.

Le dynamisme du gameplay est renforcé par l'utilisation des plasmides qui vous modifient génétiquement. Ceux-ci vous permettront par exemple de lancer des éclairs sur votre cible pour l'assommer quelques secondes, enflammer votre cible, la geler, ou lui envoyer un essaim d'insectes dangereux. Attention cependant, l'utilisation des plasmides consomme de l'Eve, que l'on trouve régulièrement sous forme de seringues pour se ressourcer (le bras du type devrait ressembler à un gruyère à la fin, mais bon...). D'autres plasmides secondaires secondent notre héros dans des tâches spécifiques : le piratage des caméras de sécurité, le piratage des tourelles ou accordent des bonus permanents : de l'armure, un champ électrique quand on se fait attaquer au corps à corps, et même l'invisibilité une fois que l'on s'immobilise quelques secondes.

Une petite décharge électrique pour calmer la demoiselle

Cependant, qui dit plasmides dit Adam, dit petites sœurs, dit affronter les protecteurs ! Ces combats ne seront pas de tout repos et vous mettront face à un choix draconien une fois achevés : récolter tout l'Adam d'une petite sœur au risque de la tuer, ou recueillir moins d'Adam (donc moins de plasmides !) pour pouvoir exorciser la petite fille et lui permettre de retrouver son humanité. De vos choix découleront des fins différentes.

A côté de ça, on peut effectuer des actions spécifiques, comme pirater des caméras de sécurité pour déclencher l'alarme en cas de présence ennemie, ou des terminaux d'achat de munitions pour obtenir des ristournes. Un petit bémol pour le module de piratage, présenté sous forme de jeu/casse tête à base de tuyaux, que l'on trouve sympathique au début mais qui est vraiment épuisant à la longue, surtout quand le casse tête est irrésolvable.

Un protecteur en colère, ça va barder !

On peut également déplorer l'absence de réelle pénalité en cas de mort du joueur, puisque mourir implique la réapparition dans une "vita-chambre" non loin du lieu de mort, avec les barres de vies et d'Eve à moitié remplies. A ce compte, il est presque ridicule d'utiliser les trousses de soin et les seringues d'Eve (dont on dispose déjà en très grand nombre) lorsque l'on sait qu'on va réapparaître en forme convenable 5 mètres plus loin et que l'ennemi n'aura pas bougé. Le boss de fin est également un peu décevant.

Tout ceci n'enlève pas à Bioshock le mérite d'être un excellent jeu grâce à son gameplay nerveux et son ambiance unique. La narration via journaux audio disséminés dans la ville est très agréable à suivre et très immersive, puisqu'on en apprend petit à petit un peu plus sur les habitants de Rapture et sur certains personnages plus particulièrement.

dimanche 30 octobre 2011

Assassin's Creed II


Assassin's Creed premier du nom m'avait laissé un goût plutôt amer en bouche. Ultra prometteur mais finalement ultra décevant, la faute à un gameplay répétitif et un niveau de difficulté peu élevé, et malgré des graphismes et un scénario très prenants, il ne m'avait pas donné du tout envie de me pencher sur le 2e volet de la série. Mais les années passent et un bon jour on se dit qu'il pourrait être tout de même intéressant de tester cette suite. Grand bien m'en fit.

Assassin's Creed II est sorti le 4 mars 2010 dans nos contrées, et il est édité et développé par Ubisoft Montréal, comme le premier volet. Assassin's Creed II est la suite directe du premier opus puisqu'on retrouve le personnage principal, Desmond Miles, dans la situation dans laquelle on l'avait laissé à la fin du premier jeu. Sitôt échappé, avec l'aide de Lucy, des locaux où il était retenu par les templiers, Desmond intègre une équipe d'assassins combattant ceux-ci, et recommence à voyager dans l'Animus, pour explorer sa mémoire génétique en incarnant un autre de ses ancêtres : Ezio Auditore da Firenze. On garde donc le même trame principale, sauf qu'on passera beaucoup plus de temps dans l'Animus que dans le premier épisode, ce qui n'est pas plus mal.
Qu'est ce qu'il est classe ce cher Ezio
 L'histoire se déroule donc durant l'Italie de la Renaissance, une période de l'histoire fascinante. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Ubisoft n'a pas fait dans la demie-mesure. Les décors sont absolument somptueux (mention spéciale pour Florence et Venise) et on apprécie toujours autant d'évoluer dans un environnement totalement ouvert. L'Italie de la Renaissance est fidèlement retranscrite, avec ses habitants, ses hauts-lieux, ses institutions, ses bâtiments, et surtout ses personnages historiques. En effet, on rencontre au fur et à mesure de nos pérégrinations un certain Léonard de Vinci qui deviendra notre ami et nous aidera tout au long de nos aventures. Mais on croisera aussi le célèbre moine Savonarole, Machiavel, Catherine Sforza, Rodrigo Borgia (plus connu comme pape sous le nom d'Alexandre VI) ou encore Laurent de Médicis. Bref autant de fameux personnages qui accentueront l'immersion (déjà très forte) dans l'environnement du jeu.

Ouais, c'est magnifique

On aide donc Ezio à traquer les meurtriers de sa famille, traque qui va l'amener à lutter contre une menace pour le monde entier : les templiers qui cherchent à s'approprier les fragments d'Eden et à affirmer leur suprématie sur l'humanité. L'histoire est assez bien menée de bout en bout et ne souffre pas de baisse de rythme. Tout est fluide, les évènements s'enchaînent et en amènent d'autres, sans que l'on ait l'impression de se "forcer" à faire avancer l'histoire, comme cela pouvait être le cas dans le premier opus. Dans cette optique, de nombreuses refontes sont les bienvenues, puisqu'on a accès a davantage de missions différentes et de missions secondaires, et la conduite des missions principales n'est plus aussi répétitive qu'avant, fort heureusement. On a enfin l'impression d'une progression naturelle, et c'est ce qui manquait énormément au premier épisode.

Un assassinat aérien

Le gameplay, quant à lui, a été significativement amélioré. Il est désormais possible d'assassiner une cible en étant caché dans une botte de foin, depuis un rebord, un puits, ou même d'effectuer un assassinat aérien après un saut. Bref, un peu de diversité qui permet d'avoir moultes approches différentes pour appréhender l'approche d'une cible. De même, les combats sont plus intéressants. Le premier volet nous endormait à coup de QTE de parade/contre attaque mortelle de la part du héros, ce n'est pas le cas d'Assassin's Creed II. On a désormais accès à une gamme d'armes beaucoup plus variée : lame secrète, poignard, épée, lame empoisonnée, bombe fumigène, couteaux de lancer, et même... pistolet, tous les moyens seront bons pour occire son prochain. Des animations spécifiques sont développées pour chacune des armes, et on peut même ramasser les armes ennemies. Par ailleurs, des magasins sont accessibles pour vous permettre d'acheter des armes plus efficaces. Bref, le bonheur.

On s'accroche à un rebord, on attend le passage du monsieur, et paf l'archer

Alors certes, le QTE parade/contre attaque mortelle existe toujours, mais il est beaucoup moins prédominant. En effet, un adversaire peut réussir une parade désespérée pour s'en sortir ou certains types d'ennemis (armés de haches ou de lances) sont quasiment immunisés contre les réflexes du héros. Il va donc falloir jouer des pieds et des mains pour s'en sortir. Les combats au poings sont plus développés, on peut également saisir un adversaire, l'esquiver, le provoquer, les combats ont donc beaucoup gagné en dynamisme. La diversité des adversaires rend également l'ensemble des phases du jeu plus aléatoires : les gardes plus agiles peuvent vous rattraper dans votre course, les gardes lourdement armés nécessiteront souvent d'être désarmés pour être battus, ou encore, un garde armé d'une lance pourra venir fouiller la botte de foin dans laquelle on se cache et nous forcer à en sortir. Assassin's Creed II apporte donc quelque chose d'essentiel : le fait que chaque phase de jeu soit unique, puisqu'un même évènement peut se dérouler de bien des façons différentes.

N'est-ce pas sublime ?

Mais les combats ne font pas tout le gameplay ! En ce qui concerne les autres phases de jeu, on peut noter d'autres changements significatifs. Tout d'abord, il existe désormais un système de popularité. Plus on gagne en popularité en se faisant remarquer de quelque façon que ce soit, plus les gardes seront enclins à nous reconnaître et à nous pourchasser dans la rue. Pour faire baisser la popularité, il s'agira d'arracher des avis de recherche, d'assassiner des témoins ou de corrompre les crieurs publics. On est donc obligé de gérer notre popularité, sous peine de ne plus pouvoir faire un pas sans se faire donner la chasse. A ce niveau là, les choses ont été améliorées également, puisqu'il existe mille façons de redevenir anonyme : se fondre dans la foule, se dissimuler dans un chariot de foin, sortir d'une zone, plonger dans l'eau. On peut cependant déplorer le fait que les déplacements du héros soient toujours aussi facilement gérables. Tout comme dans le premier opus, la majorité des mouvements sont gérés de manière automatique, il n'y a qu'à déplacer le héros dans la bonne direction. Mais comme tout le reste du gameplay a été amélioré, on peut pardonner cette impasse.

Tchao la compagnie !
 En plus de tout cela, Ezio peut désormais fouiller des cadavres, les dissimuler, engager une troupe de voleurs, de mercenaires ou de prostituées pour distraire les soldats, jeter de l'argent pour semer la confusion ou encore pratiquer le vole à la tire. Bref, une diversité d'action que l'on attendait avec impatience, notamment le fait de pouvoir nager (ça devenait embêtant de voir Altaïr se noyer dans 2 centimètres d'eau). Assassin's Creed II reste malheureusement un jeu globalement assez facile dans son ensemble (les missions impliquant de ne pas se faire repérer donnant cependant plus de fil à retordre) puisqu'on ne meurt encore que rarement, mais la difficulté a déjà augmenté de manière significative par rapport au premier jeu, espérons que les suites fassent honneur à ce changement également. 

Pour finir, accordons une mention spéciale aux musiques du jeu, qui sont tout à fait somptueuses et qui collent magnifiquement à l'ambiance (quelques exemples : ici et ).

A l'inverse de son prédécesseur, Assassin's Creed II m'a donné envie de connaître la suite de la série, on se retrouve donc à l'occasion pour mes impressions sur Assassin's Creed Brotherhood et sur Assassin's Creed Revelations !

samedi 29 octobre 2011

La curée



La Curée est un roman d’Émile Zola paru en 1872, second volume de la série des Rougon-Macquart. Il se déroule à Paris sous le Second Empire. Les personnages principaux en sont Aristide Rougon/Saccard, qui est déjà présent dans le premier roman de la série des Rougon-Macquart (La fortune  des Rougon), Renée Saccard la seconde femme d'Aristide et Maxime Rougon/Saccard, le fils d'Aristide et de la première femme d'Aristide. Ces trois personnages, tous foncièrement différents, vont former un triangle relationnel plutôt complexe qui donne l'essentiel de sa substance au roman.

Aristide Saccard est un personnage rusé et cupide, qui cherche à s'enrichir même s'il doit tomber dans l'illégalité pour cela. Fausses sociétés, mensonges, surestimation de ses biens à la revente, vol de l'argent et des biens de sa femme, il ne recule devant rien et gère habilement tout son fragile édifice d'affaires avec une énergie inépuisable. Il est régulièrement affecté par les hauts et les bas du marché immobilier et de la spéculation mais manœuvre toujours de manière à s'en sortir. Son but est d'amasser un maximum d'argent grâce à la ville de Paris. Son caractère est très bien retranscrit au début du second chapitre : "Aristide Rougon s'abattit sur Paris, au lendemain du 2 Décembre, avec ce flair des oiseaux de proie qui sentent de loin les champs de bataille". Il est ainsi comparé à un véritable charognard, ne rechignant pas à fouiner partout pour obtenir ce qu'il veut : "oui oui, j'ai bien dit, plus d'un quartier va fondre, et il restera de l'or aux doigts des gens qui chaufferont et remueront la cuve. Ce grand innocent de Paris ! vois donc comme il est immense et comme il s'endort doucement ! C'est bête, ces grandes villes ! Il ne se doute guère de l'armée de pioches qui l'attaquera un de ces beaux matins [...]".

Renée Saccard née Béraud du Châtel est la fille d'un ancien magistrat et dispose d'une grande fortune. A sa sortie du couvent, elle est violée par un homme et recherche désespérément un homme pour assumer l'enfant auprès de son père, homme qu'elle trouvera en la personne d'Aristide Saccard, qui voit là un fantastique moyen d'ascension sociale. Renée se marie avec Aristide, perd son enfant, commence à se lier avec Maxime, le premier fils d'Aristide, et mène un train de vie extravagant de luxure et de richesse, tout en se faisant dévaliser petit à petit par son mari.

Maxime Rougon est le fils d'Aristide. Il est tout d'abord élevé à la campagne et revient à Paris au début de son adolescence pour vivre avec Renée et Aristide. Il se lie avec Renée et commence lui aussi une vie de débauche arrosée par l'argent de son père, tout en manoeuvrant habilement pour s'insérer dans la haute société parisienne.

On suit donc ces trois personnages dans leur évolution dans les hautes sphères décadentes de l'empire et de nombreux rebondissements affectent leurs vies. On peut ainsi évoquer à titre d'exemple, la violente passion qui unit Renée et Maxime, passion qui finira par aboutir à une relation incestueuse entre les deux protagonistes qui se considèrent avant tout comme belle-mère et beau-fils. Leur histoire terminera aussi violemment qu'elle a commencé et Renée n'en ressort pas indemne.

La particularité de l’œuvre tient dans l'extraordinaire pertinence de son titre, qui résume le roman à lui tout seul. La curée, c'est ici la ruée vers l'argent, vers la spéculation, vers la débauche et les trains de vie faramineux et vers les multiples liaisons amoureuses. On retrouve une des idées principales du réalisme que de retranscrire la vie et les faits dans tout ce qu'ils ont de plus sordide et affreusement vrais.

On a effectivement l'impression, une fois l’œuvre terminée, d'avoir assisté à la dépouille d'une charogne par une horrible nuée de corbeaux surexcités et décadents, et c'est toute la force du verbe de Zola qui évoque en nous cette image à la fois délicieusement fascinante et affreusement repoussante.

mardi 11 octobre 2011

L'amour d'Erika Ewald



L'amour d'Erika Ewald est un recueil de 4 nouvelles de Stefan Zweig publié en 1904. Tout comme La porte étroite m'a permis de découvrir André Gide, ce recueil est la première œuvre de Zweig que j'ai l'occasion de lire. C'est donc plein de naïveté et complètement vierge de toute impression sur cet auteur que j'ai ouvert le livre. Je dois dire que chacune des nouvelles m'a laissé plutôt perplexe.

L’œuvre est donc composé de quatre nouvelles : L'amour d'Erika Ewald, puis L'étoile au-dessus de la forêt, puis La Marche, et enfin Les prodiges de la vie. La première conte l'histoire d'une jeune pianiste un peu rêveuse qui tombe follement amoureuse d'un violoniste et qui finit par le fuir. La seconde narre l'histoire d'un serveur qui tombe amoureux d'une comtesse, mais qui n'osera jamais lui avouer. Le jour où celle-ci décide de quitter la ville, le jeune homme fait preuve d'une unique et violente preuve d'amour en se suicidant sous le train qui emmène sa bien-aimée, sans qu'elle n'en sache rien. La troisième nouvelle raconte les péripéties d'un jeune homme qui entreprend un voyage jusqu'à Jérusalem pour pouvoir contempler la "face du Sauveur". Enfin, la quatrième et dernière nouvelle met en scène un peintre qui doit honorer une commande de tableau et qui peint alors une Vierge à l'enfant, tout en liant un lien très fort avec la jeune fille qui lui sert de modèle (qui va, quant à elle, sortir peu à peu de la réserve sentimentale dans laquelle elle s'était enfermée).

Dans chaque nouvelle, même si l'histoire est différente, ce sont les sentiments qui sont mis au centre de l'intrigue. Chaque personnage est un enchevêtrement de sentiments tous plus complexes les uns que les autres, et qui sont parfois violents ou "bizarres/extrêmes" (comme le serveur qui montre son amour en se suicidant). On a donc des protagonistes passionnés, parfois agités et fiévreux, parfois violemment mélancoliques, ou tourmentés, souffrants, alertes, perdus, noyés, ou pleins d'espoirs. C'est un immense patchwork constitué de centaines de sensations différentes qui se déroule au fil des récits. La plupart des sentiments comprennent une grande part de violence intérieure chez chacun des protagonistes.

J'ai été plutôt perplexe dans un premier temps, face à chaque récit et à la plume de l'auteur. Le développement des émotions des personnages est prétexte à l'envolée lyrique systématique, poignante et belle dans un premier temps, soit, mais qui s'affadit ensuite peu à peu, comme si trop de lyrisme tuait le lyrisme. On se fatigue devant un tel déploiement de force pour décrire chaque perception dans toute son intensité, comme si l'auteur voulait susciter un nouveau sentiment à partir de la description du sentiment initial. Tout ce déploiement s'exprime notamment dans les nouvelles par la multiplication des adjectifs qualificatifs, comme on peut le voir dans ces quelques exemples : "Elle redevenait proche de ces livres merveilleux d'où se dégage une tristesse semblable au parfum lourd et enivrant exhalé par certaines fleurs étrangement sombres et mélancoliques." Ou : "Elle pleurait de façon ininterrompue, son corps abandonné contre le sien était parcouru de soubresauts, mais les sources brûlantes de ses yeux paraissaient intarissables ; on aurait dit qu'elles balayaient toute la souffrance amère qui s'était déposée lentement, comme des cristaux qui deviennent toujours plus gros, plus durs, et ne veulent pas fondre." Ou encore : "Une fois même, en pleine rue, elle se jeta à corps perdu dans sa passion comme un nageur dans le flot écumant, et s'élança telle une désespérée à travers la foule tranquille, sans reprendre haleine jusqu'au but tant désiré ; le visage rouge et la chevelure en désordre, elle arriva devant le portail de la maison. Le plaisir farouche qu'elle prenait à exprimer librement sa passion était devenu, en cette période de métamorphose, une force irrépressible qui lui communiquait une beauté sauvage et sensuelle." On en vient à avoir l'impression que l'auteur en fait trop, certains mots revenant parfois plusieurs fois (comme le verbe sourdre, que je n'ai jamais vu autant utilisé).

Néanmoins, ce point n'occulte cependant pas l'habileté avec laquelle Stefan Zweig arrive à décrire les sentiments qui agitent ses personnages. D'autant plus que cet indescriptible fouillis de sensations va finalement dans le sens de l’œuvre. On se perd dans l'écriture de Zweig comme les protagonistes se noient dans leurs émotions. On est balloté dans tous les sens, on crie grâce mais toujours, toujours à chaque nouveau trouble du héros, l'auteur nous assène un mot.

lundi 3 octobre 2011

Fire Emblem : Path of Radiance


Fire Emblem : Path of Radiance est un tactical RPG sorti en 2005. Il s'agit de l'un des jeux de la série des Fire Emblem, que l'on retrouve sur Super Nintendo, Game Boy, GBA, Nintendo DS, Wii, une série toujours plutôt bien appréciée et encensée par la critique. Avec une moyenne oscillant entre 7/10 et 8/10, Path of Radiance ne déroge pas à la règle. Penchons nous donc plus avant sur les spécificités du titre.


Le héros et la princesse

Puisque Path of Radiance emprunte aux codes "traditionnels" du tactical RPG, je parlerai d'abord du scénario et de l'aspect visuel du jeu. Le scénario comporte quelques originalités, mais s'y ajoutent malheureusement un nombre effarant de clichés en tout genre (qui font aussi le  charme de la série, dans un sens). On incarne le personnage nommé Ike, un jeune mercenaire fils du commandant Greil, chef du groupe de mercenaires. Ce dernier est rapidement impliqué dans des évènements qui vont bouleverser tout le continent puisque Crimea, le pays où nos héros sont installés, est subitement attaqué par Daien, le pays voisin. Crimea, petit pays récemment indépendant après s'être détaché de la théocratie de Begnion, succombe rapidement sous les coups de son adversaire bien plus aguerri, et la princesse Elincia, fille cachée du roi de Crimea (et désormais successeur du trône) doit s'enfuir. Elincia se réfugie alors chez les mercenaires, qu'elle décide d'employer pour sa protection (pour résumer).

Ike

Les différentes nations (Goldoa, Phoenicis, Begnion, Gallia, Kilvas) se positionnent petit à petit par rapport au conflit et la guerre menace d'impliquer le continent de Tellius tout entier. Les choses sont d'autant plus compliquées que les relations entre Beorc (humains) et Laguz (mi-hommes, mi-animaux) sont très tendues, ces derniers ayant longtemps (et encore au moment des faits) été méprisés, maltraités, et qualifiés de "sous-humain".

Encore une fois, Fire Emblem nous plonge donc dans une intrigue géopolitique impliquant suffisamment d'acteurs différents pour nous tenir en haleine. Différents thèmes principaux sont abordés : la guerre, le racisme, la distance entre peuple et classe dirigeante, la souffrance. D'autres thèmes secondaires s'y ajoutent, avec les histoires personnelles de chaque personnage. Au niveau des clichés, évoqués plus haut, on retrouve le héros masculin novice et modeste mais courageux, qui va s'améliorer jusqu'à devenir très puissant, et qui entretient un lien particulier avec la princesse. On n'échappe pas non plus au magicien puissant et énigmatique, au gentil prêtre de constitution fragile, à la mort du père du héros, etc. Cet aspect n'est cependant pas un handicap pour le jeu.

Au niveau des graphismes, c'est correct, mais on aurait pu espérer un peu plus d'un titre de Game Cube. Les maps sont plutôt simplettes au niveau visuel, et certaines animations sont parfois un peu lentes. De plus (avis personnel), certaines classes semblent plus soignées au niveau de leur aspect, au dépend des autres. Très bon point cependant pour les artworks des personnages, qui sont très bien fait et nous proposent ainsi une très grande palette de protagonistes hauts en couleur.

Soren, le (premier) magicien de l'équipe


"Tactical" RPG

En tant que tactical RPG, Fire Emblem propose donc une suite de batailles, sur des cartes plutôt classiques, quoique toutes différentes. Il y a 29 chapitres, ce qui permet une bonne durée de vie (entre 30 et 35 heures). Chaque bataille s'imbrique dans le scénario et comporte un objectif différent : décimer l'armée adverse, fuir à l'endroit indiqué, atteindre l'endroit indiqué, prendre tel point stratégique, ou encore résister à l'adversaire le temps que les renforts arrivent. Parfois des limitations de temps interviendront, rendant les missions plus difficiles. Globalement la difficulté va en avançant dans l'histoire. Les batailles impliqueront le groupe que l'on peut jouer, un groupe ennemi, et parfois un groupe allié ou de renforts, que l'on ne peut pas contrôler, mais qui combat à vos côtés. Comme dans tout tactical RPG, vos unités disposent de points de déplacements, de statistiques, et doivent progresser pour accomplir l'objectif, au tour par tour.

Un aperçu de l'écran de bataille

Fire Emblem : Path of Radiance connaît très bien la musique, en ce qui concerne le tactical RPG, et ça se voit. Le système de combat est très riche : on dispose d'un nombre affolant de personnages jouables (46 !), ce qui permet un nombre infini de combinaisons pour votre armée. Seul problème : votre armée est limitée à une dizaine de membres pour chaque bataille, ce qui oblige à faire des choix. De plus, les personnages qui ne se battent pas ne gagnent pas d'expérience, ce qui signifie qu'ils prennent petit à petit du retard par rapport aux autres, et ne sont plus viables en combat. Mis à part ce petit détail, on apprécie d'avoir autant de personnages à disposition. Surtout qu'il existe également un grand nombre de classes : elles sont au nombre de 13 pour les classes "de base" (rôdeur, épéiste, mage, voleur, prêtre, chevalier pégase, etc) et de 14 pour les classes "évoluées" (guerrier, archer d'élite, général, seigneur wyverne, walkyrie, hallebardier, etc). Chaque classe a ses forces et ses faiblesses, des techniques, et sera plus ou moins utile en fonction de chaque situation.

Un combattant affronte un cavalier

Le système de combat reprend le concept de "trinité des armes" et "trinité des magies". Par exemple pour les armes, les épées l'emportent sur les haches, les haches l'emportent sur les lances, et ces dernières l'emportent sur les épées. Le choix des armes et des classes présentes sur le champ de bataille est donc primordial, d'autant plus que certaines armes aux capacités spéciales viennent perturber ces trinités (et que l'on peut ponctuellement forger des armes personnalisées). La présence des Laguz (mi-humains, mi-animaux) viendra pimenter l'ensemble, puisque ces unités spéciales ne peuvent pas attaquer pendant quelques tours (en forme humaine). Une fois leur jauge de transformation remplie, ceux-ci se transforment en forme animale (lion, tigre, chat, corbeau, faucon, dragon ou héron, selon le peuple), sont aptes à attaquer, et possèdent de puissantes caractéristiques, jusqu'à repasser en forme humaine.

La gestion des armes, des classes, des races, du placement des personnages, à la fois en ce qui concerne le groupe allié et le groupe ennemi rend chaque bataille différente et intéressante. Surtout que lorsqu'une de vos unités meurt, elle disparaît pour de bon et vous ne la reverrez plus de la partie. Le charisme de vos unités rend ce cas de figure à accepter et il n'est pas rare de recommencer une mission pour sauver un personnage (en se damnant de ne pas avoir fait plus attention).

Une infime partie de l'ensemble des personnages que l'on peut jouer

On retrouve également le système de soutien qui se trouvait déjà dans les titres précédents de la série. La proximité sur le champ de bataille entre certains personnages vous permettra d'accéder à des dialogues de soutiens, augmentant les liens particuliers entretenus par ces personnages. Lors de la prochaine bataille, si les deux personnages qui se sont parlés restent à proximité l'un de l'autre, ils profiteront de bonus de statistiques. Mais attention, chaque personnage ne peut dialoguer qu'un nombre limité de fois.

Il serait beaucoup trop long de développer tous les aspects du titre, c'est pourquoi je conclus en disant que malgré quelques défauts, Fire Emblem : Path of Radiance reste un très bon tactical RPG (pour peu qu'on aime le genre) puisque suffisamment complexe.

vendredi 30 septembre 2011

L'Or


L'Or ou la merveilleuse aventure du Général Johann August Suter est une œuvre de Blaise Cendrars publiée en 1925, et le premier roman de ce dernier, connu jusqu'alors pour ses poèmes. C'est un roman d'aventure, qui s'apparente à une biographie de John Sutter. En effet, l'auteur retrace la vie de cet homme, aventurier suisse parti chercher fortune dans le Nouveau Monde.

 Le personnage nous est présenté de manière singulière au début de l’œuvre, puisqu'il est présenté comme étant "l'étranger" lorsqu'il est de passage en Suisse avant d'embarquer pour l'Amérique. Par ailleurs, Cendrars introduit le personnage de John Sutter comme s'il voulait nous le rendre antipathique. Ainsi, il provoque un violent émoi lors de son passage dans un village suisse : "Cette brusque apparition et ce départ précipité bouleversaient ces paisibles villageois. L'enfant s'était mis à pleurer. La pièce d'argent que l'étranger lui avait donnée circulait de main en main. Des discussions s'élevaient. L'aubergiste était parmi les plus violents. Il était outré que l'étranger n'ait même point daigné s'arrêter un moment chez lui pour vider un cruchon. Il parlait de faire sonner le tocsin pour prévenir les villageois circonvoisins et d'organiser une chasse à l'homme". Pire encore, lorsque l'auteur nous délivre enfin le nom de son personnage principal, on est accaparé par une toute autre information qui tend à rendre John Sutter détestable : "Johann August Suter venait d'abandonner sa femme et ses quatre enfants". Surprenante manière de nous présenter l'aventurier, d'autant plus que tout le reste de l’œuvre semble ensuite s'échiner à nous le rendre sympathique. Peut-être ici un moyen pour Cendrars de renforcer l'émotion autour du personnage, tout comme ce sera le cas tout au long du roman, avec l'alternance de passages très éprouvants et difficiles pour le héros et de passages remplis d'espoir.

Le voyage pour l'Amérique est comme un nouveau départ pour John Sutter. Il quitte l'Europe en tant que "banqueroutier, fuyard, rôdeur, vagabond, voleur, escroc" pour se présenter en inconnu sur territoire inconnu. Arrivé au Nouveau Monde, il enchaîne alors plusieurs métiers, tous aussi différents les uns que les autres : maréchal-ferrant, dentiste, empailleur, tailleur pour dames, boxeur, etc. Une fois établi tenancier d'une taverne, il est attiré par les récits des voyageurs qui parlent du grand Ouest en des termes qui excitent sa soif d'aventure, et il décide de partir s'établir en Californie (qui fait partie du Mexique à l'époque). Après un voyage un peu mouvementé, il arrive et installe alors un gigantesque complexe agricole, qu'il baptise la "Nouvelle-Helvétie", et commence à faire fortune à force d'abnégation et d'habileté.

Et c'est ici que tout bascule, au moment où John Sutter pense pouvoir profiter des fruits de son travail : "Rêverie. Calme. Repos. C'est la paix. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non : c'est l'OR ! C'est l'or. Le rush. La fièvre de l'or qui s'abat sur le monde. La grande ruée de 1848, 49, 50, 51 et qui durera quinze ans. SAN FRANCISCO !". En effet, l'un des employés de Sutter découvre de l'or et la nouvelle se répand comme une traînée de poudre, provoquant l'affluence de milliers de personnes qui s'installent sur les terres du suisse. Ce dernier est abandonné par ses employés, et la région plonge dans le chaos, la loi devenant celle du colt (même les soldats envoyés pour ramener l'ordre désertent pour aller chercher de l'or). La femme de Sutter, venue le rejoindre avec ses enfants, meurt d'épuisement en arrivant, frappée par la détresse de son mari. S'ensuivent alors périodes de doutes et d'accalmies pour Sutter, qui se bat avec la justice pour obtenir ce qui lui revient de droit, et qui lui a été volé par des milliers de personnes. Mais irréalisable combat que celui d'un homme contre des milliers d'autres, et Sutter meurt seul, sans avoir jamais obtenu gain de cause. Sa mort laisse un goût amer, on est choqué par l'ultime revers cruel qu'il subit et qui l'achève, d'autant plus que ce revers est des plus ironiques : Sutter meurt effectivement en pensant avoir enfin gagné son combat, sous le coup de l'émotion, ou du soulagement de celui qui s'est longtemps battu pour une cause et qui part tranquille.

Ce jour là, John Sutter est à Washington, assis devant le palais du Congrès : "Tout à coup un môme de sept ans dévale quatre à quatre le grand escalier de marbre, c'est Dick Price, le petit marchand d'allumettes, le préféré du général. 
- Général ! général ! crie-t-il à Suter en lui sautant au cou, général ! tu as gagné ! Le Congrès vient de se prononcer ! il te donne 100 millions de dollars !
- C'est bien vrai ? c'est bien vrai ? tu en es sûr ? lui demande Suter tenant l'enfant étroitement embrassé.
- Mais oui, général, même que Jim et Bob sont partis, il paraît que c'est déjà dans les journaux. Ils vont en vendre ! et moi aussi je vais en faire des journaux ce soir, des tas !

Suter ne remarque pas 7 petits voyous qui se tordent comme des gnomes sous le haut portique du Congrès et qui rigolent et font des signes à leur petit copain. Il s'est dressé tout raide, n'a dit qu'un mot : "Merci!" puis il a battu l'air des bras et est tombé tout d'une pièce. 
Le général Johann August Suter est mort le 17 juin 1880, à 3 heures de l'après-midi.
Le Congrès n'avait même pas siégé ce jour-là."

Outre la compassion qu'on éprouve envers le personnage principal qui voit toute une vie de travail, de courage et d'abnégation bafouée, on est marqué par la diversité des paysages décrits (tantôt une ville naissante, tantôt les grandes plaines de l'Ouest) et leur beauté, on a l'impression de voyager autant que John Sutter. L’œuvre surprend également au niveau de ses brusques changements de températures en alternant moments calmes, heureux et moments emplis de chaos et des désillusions de Sutter.

Bref, une œuvre qui parvient aisément à nous communiquer la fièvre de la ruée vers l'or.

dimanche 25 septembre 2011

La porte étroite


La porte étroite est une œuvre d'André Gide, publiée en 1909 et considérée par son auteur comme un récit, et non comme un roman, comme le signale son narrateur Jérôme dès les premières lignes : "D'autres en auraient pu faire un livre; mais l'histoire que je raconte ici, j'ai mis toute ma force à la vivre et ma vertu s'y est usée. J'écrirai donc très simplement mes souvenirs, et s'ils sont en lambeaux par endroits, je n'aurai recours à aucune invention pour les rapiécer ou les joindre; l'effort que j'apporterais à leur apprêt gênerait le dernier plaisir que j'espère trouver à les dire".

La porte étroite est la toute première œuvre d'André Gide qui me passe entre les mains, j'attendais donc beaucoup de cette première impression. J'ai été plutôt déçu dans un premier temps. En effet, étant d'une naïveté sans nom, j'omets régulièrement de me poser la question de savoir si l'auteur a volontairement ou non donné une certaine teinte à son récit, cette teinte qui favorise soit mon attrait pour l’œuvre, soit mon rejet de celle-ci. Et en l’occurrence, il semblerait que ce soit le cas pour André Gide (volontaire). Certaines critiques invitent à penser cette œuvre par opposition à L'Immoraliste, comme l'avait suggéré Gide lui même (voir ici), mais comme je ne l'ai pas (encore) lu, je ne peux pas faire de parallèle.

Bref ! La porte étroite relate essentiellement la relation qui unit le narrateur, Jérôme, à sa cousine Alissa. Depuis leur plus tendre jeunesse, un lien étroit unit ces deux personnes. Ils sont amoureux, à leur manière, et se complaisent dans une forte piété et ferveur religieuse, alimentée par des lectures communes. Tant et si bien que Jérôme commence à réfléchir tout doucement à l'idée d'épouser Alissa, et s'efforce alors d'être un modèle de vertu pour lui plaire. Mais tout n'est pas aussi simple puisqu'on découvre que Juliette, la seconde cousine, est aussi amoureuse de Jérôme. Alissa, de nature plus réservée que Juliette, va alors chercher à s'effacer au profit de celle-ci. Mais Juliette se sacrifie finalement en se mariant avec un homme qui la courtise (mais qui ne lui plaît pas forcément), pour laisser le champ libre à sa sœur.

Mais les choses ne sont pas résolues pour autant puisque après séparations, retrouvailles et longues correspondances enflammées, les jeunes gens ressentent une gêne inexpliquée à ce sentir l'un près de l'autre. C'est le décalage amer entre la beauté des mots échangés et la confrontation à la réalité. Alissa prend alors la décision de faire se séparer leurs chemins afin que tous deux puissent cheminer plus tranquillement vers dieu, pour se retrouver ensuite auprès de lui. Elle s'éloigne alors de Jérôme en changeant physiquement (elle ne mange plus et s'affaiblit) et en lisant des livres qui déplaisent au jeune homme. Ce dernier ne la reconnaît plus et s'éloigne effectivement d'elle. Une dernière rencontre n'est pas des plus concluantes, et Alissa finit par s'enfuir de chez elle, pour aller mourir seule, à Paris (à 25 ans environ). Son journal intime est inséré à la fin du récit et nous met face à ses doutes, sa ferveur religieuse et son obsession pour le sacrifice. Ferveur qui, en l'occurrence, lui fait se poser beaucoup de questions au sujet du droit au bonheur, à l'amour, au désir.

J'apprécie finalement cette œuvre pour son côté dérangeant, voire malsain. J'ai clairement détesté Alissa, particulièrement pour son goût immodéré pour le sacrifice. La jeune fille est certes, emplie de doutes et de craintes, mais sa manie de faire "subir" aux autres les choix qu'elle estime elle être les meilleurs (puisque conformes à ses interprétations religieuses) est insupportable. D'autant plus que le sacrifice de sa sœur est finalement vain, puisque Alissa n'en profite pas. Elle fonde sa vie sur la métaphore de la porte étroite, tirée des paroles du Christ : "Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car la porte large et le chemin spacieux mènent à la perdition, et nombreux sont ceux qui y passent; mais étroite est la porte et resserrée la voie qui conduisent à la Vie, et il en est peu qui les trouvent". Malheureusement, plus qu'à une vie stricte et "étroite", elle se limite finalement à penser beaucoup trop étroitement et finit par mourir seule.

L'autre point intéressant et dérangeant, quoique moins malsain, est la correspondance entre Jérôme et Alissa. Tantôt enflammée mais toujours pure, tantôt pleine de promesses, elle plonge presque à chaque fois les deux jeunes gens dans un profond embarras dès qu'ils sont en présence l'un de l'autre et que les actes ne suivent plus les paroles. C'est un amour presque outrancier, trop gros pour les deux protagonistes qui s'affiche dans leur correspondance, et la réalité est douloureuse : on passe ainsi régulièrement d'une Alissa confiante ("Qu'aurions-nous à nous dire que nous ne nous soyons déjà écrit ? [...] N'aurons-nous pas toute la vie ?") à une Alissa pleine de doutes : ("Mon ami, quel triste revoir ! tu semblais dire que la faute en était aux autres, mais tu n'as pas pu t'en persuader toi même. Et maintenant je crois, je sais qu'il en sera toujours ainsi. Ah ! je t'en prie, ne nous revoyons plus ! Pourquoi cette gêne, ce sentiment de fausse position, cette paralysie, ce mutisme, quand nous avons tout à nous dire ?").

Bref, une œuvre que j'ai détesté au premier abord, mais que j'apprécie finalement, Gide nous mettant mal à l'aise plutôt efficacement.

Pour finir, si quelques littéraires passent par ici et pouvaient me conseiller d'autres œuvres d'André Gide, je suis preneur !

lundi 19 septembre 2011

Deus Ex : Human Revolution



Deus Ex : Human Revolution est un FPS/RPG sorti cette année, développé par Eidos Montréal et édité par Square Enix. C'est le troisième opus de la série, après Deus Ex (premier du nom et qui a été très apprécié) et Deus Ex : Invisible War (qui avait plutôt déçu).

L'action se déroule 25 ans avant les faits du premier Deus Ex dans un univers cyberpunk dans lequel on incarne Adam Jensen, le chef de la sécurité de la société Sarif Industries, une entreprise de biotechnologies. Comprenez par là que Sarif Industries fabrique ce qui se fait de mieux en matière d'augmentation humaine : bras et jambes mécaniques, biopuce pour augmenter certaines capacités intellectuelles ou la vue/l'ouïe, par exemple. Adam, quelque peu réticent à certaines de ces technologies (d'autant plus que son employeur a quelques contrats avec les militaires) va soudainement retrouver son corps complètement modifié, suite à une attaque terroriste dans les laboratoires de Sarif Industries, où il est laissé pour mort par les assaillants. Étant désormais un "augmenté" (ou un "câblé" comme certains le surnomment méchamment dans la rue), il reprend du service et se lance sur les traces du groupe terroriste qui a kidnappé des scientifiques durant l'attaque.

On contrôle donc Adam Jensen et il s'agit de mener une enquête palpitante à Détroit, enquête qui nous emmènera également en Chine et à Montréal. Si Deus Ex est avant tout construit comme un FPS/RPG (on dispose d'armes et on gagne des points d'expériences pour améliorer son héros), que vous pouvez donc mener à la manière d'un FPS en tuant tout ce qui bouge, il sera beaucoup plus intéressant d'essayer de mener l'enquête en s'infiltrant discrètement et en piratant des terminaux. En effet, pour parvenir à votre objectif, il est généralement plus prudent de passer inaperçu et de ne pas déclencher l'alerte, vos augmentations ne vous rendant pas forcément invulnérable aux balles (d'autant plus qu'en mode difficile, 1 à 3 balles selon le calibre de l'arme auront vite raison de vous).

Ce garde ne va pas tarder à aller faire une sieste dans un cagibi sombre !

A partir de là, le jeu est très bien conçu puis qu'il existe toujours plusieurs chemins pour parvenir à l'objectif : conduits d'aération, piratages d'ordinateurs, de portes, obtentions de codes en ramassant des carnets électroniques ou encore élimination discrète d'un ou deux gardes gênants (en n'oubliant pas de cacher les corps, bien entendu !). Bien entendu, la tâche ne sera pas toujours aisée : gardes plus ou moins lourdement armés et alertes, patrouilles, caméras de surveillance et robots sentinelles ne vous feront pas de cadeau. Fort heureusement, en gagnant de l'expérience, vous déverrouillez des points d'améliorations pour vos augmentations, qui vous aideront ponctuellement à progresser. Comme amélioration possible, citons par exemple le fait de pouvoir voir à travers les murs, de se rendre invisible quelques secondes, la capacité de marcher/courir en silence, une amélioration de votre capacité de piratage et même une augmentation de type "social" vous permettant de repérer les répliques les plus adaptées à votre interlocuteur, pour pouvoir influencer ce dernier. Il est également possible de s'améliorer plus "offensivement" : système d'explosif placé dans les bras, stabilisateur de visée, renforcement de la peau, immunisation contre les gaz et grenades flash, etc, à vous de choisir !

Un petit coup d’œil en se collant contre le mur : le garde a le dos tourné : c'est le moment de se faufiler !

Niveau graphismes, cela reste honorable, malgré qu'on reste en dessous de ce qui peut se faire en 2011.  Un gros malus est à signaler sur les temps de chargement qui sont tout simplement horriiiiiiiiiiiiiiiiiblement longs ! On paie cher le petit moment d'inattention qui nous fait déclencher l'alarme et charger notre partie ! Le fait d'avoir inclus des boss peut être aussi dommageable au titre, puisque ne rentrant pas vraiment dans la logique du jeu, et favorisant plutôt les joueurs "bourrins" que les joueurs "espions". Pour en revenir au gameplay, c'est tout de même suffisamment varié, palpitant et difficile (en n'oubliant pas de désactiver le halo de mise en évidence des objets importants du jeu et le réticule de visée) pour tenir en haleine le temps de boucler le jeu en ... 25/30 heures, en comptant les quêtes secondaires. Une durée de vie pas ultra folichonne mais honorable pour un jeu de 2011.

Le point fort du jeu reste avant tout son ambiance et son scénario. L'ambiance est plutôt lourde, sombre, on évolue souvent de nuit, et elle fait écho à toutes les thématiques et problématiques abordées. En effet, l'humanité est à un tournant de son histoire. Puisqu'il est désormais possible de modifier son corps à l'envie, ceux qui en ont la possibilité (comprendre le porte monnaie) ne s'en privent pas, et de nouvelles disparités apparaissent rapidement dans la société, entre les "organiques", qui ont peur d'être surpassés par les "augmentés" (on croise d'ailleurs souvent des mendiants qui se plaignent : "le progrès m'a mis à la rue") et les "augmentés". L'absence de règlementation en la matière et le trafic des augmentations (quand ce n'est pas le vol) ont vite fait de faire monter la tension également. D'autant plus que de nombreux groupes de pressions, mouvements et groupes terroristes s'affrontent dans les hautes sphères : grandes entreprises en biotechnologie arguant en faveur du progrès et de son avancée inexorable, mouvement humaniste désirant une réglementation en matière de biotechnologie pour que "l'homme arrête de jouer à dieu", ou encore un groupe terroriste du nom de "Pureté Absolue", constitué uniquement d'organiques. Bref, une intrigue globale très intéressante, malgré un scénario de base malheureusement un peu moins empreint de rebondissements.

Un bon jeu !

dimanche 4 septembre 2011

Luka et le feu de la vie


Après avoir passé mon été à lire une bonne quantité de San Antonio, je suis enfin passé à autre chose et peut donc enfin faire un autre billet sur un livre !

Luka et le feu de la vie est un roman sorti fin 2010, et écrit par Salman Rushdie, romancier britannique d'origine indienne, connu notamment pour être impliqué dans une affaire ayant secoué le monde musulman, lors de la sortie de son roman Versets sataniques. Luka et le feu de la vie est la suite de Haroun et la mer des histoires, les deux romans traitant du même univers, et en partie des mêmes personnages. Il n'est cependant pas nécessaire d'avoir lu ce premier volet pour comprendre le roman. Ce dernier met en scène Luka, petit frère d'Haroun, qui se lance à son tour dans une quête, dans le Monde de la Magie. En effet, le père du jeune garçon, conteur de son état, a été frappé d'un mal mystérieux : il s'est endormi et ne se réveille pas, et menace petit à petit de s'éteindre. Luka ne compte pas laisser son père s'en aller, et part à l'aventure dans le Monde Magique, pour trouver le Feu de la Vie et sauver son père. Ce but ne sera cependant pas simple à réaliser, le Feu de la Vie étant farouchement protégé par une kyrielle d'opposants, d'obstacles et d'ennemis, obligeant Luka à faire preuve de courage, d'ingéniosité pour s'en sortir, avec l'aide de ses amis.

Luka et le feu de la vie est une ode au rêve, une invitation au voyage dans les terres de l'imaginaire. Dieux, créatures surnaturelles, paysages divers et variés, le Monde Magique présente une faune et une flore tout à l'honneur de l'auteur (bien que beaucoup de personnages soient repris de diverses mythologies). L'auteur lie en partie son monde à celui des jeux vidéo, en y faisant de nombreuses références, notamment lorsque son héros se voit obligé d'appuyer régulièrement sur un bouton doré pour sauvegarder sa progression. Luka dispose également d'un certain nombre de "vies"pour avancer dans sa quête, comme dans la majorité des jeux vidéo. Une idée sympathique, qui peut "choquer" un peu à première vue ("euh, un bouton de sauvegarde dans un monde magique ? what ?") mais on s'y habitue plutôt bien au final.

Un reproche que je pourrais faire au livre serait son monde un peu trop "anarchique". On a parfois l'impression que l'auteur divague et part un peu trop loin dans son inspiration (même s'il évoque régulièrement les lieux les plus importants). J'apprécie en effet, même dans les romans fantastiques, une certaine cohérence de l'univers. Dans Luka et le feu de la vie, on aimerait parfois en savoir plus sûr certaines choses, creuser certains personnages, on a un petit goût d'inachevé. Reste que le développement "anarchique" et la diversité du Monde Magique contribuent également dans un sens au charme du titre, en développant un monde féérique avec ses propres règles.

Au final, on a tout de même un conte bien mené, exaltant autant le feu de la vie que le feu de notre imagination.

dimanche 28 août 2011

True Grit


True Grit est un western des frères Coen sorti en 2010, adapté du roman éponyme de Charles Portis, qui avait déjà fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 1969, sous le nom de Cent dollars pour un shérif, avec John Wayne qui obtient avec ce film, l'unique oscar de sa carrière (pour le coup, ça mériterait d'y jeter un œil).

J'ai toujours aimé les westerns, notamment les westerns spaghettis, qui ont permis le renouvellement du genre (j'ai encore cependant pas mal de lacunes à combler au niveau des westerns plus "classiques"), avec des acteurs comme Lee Van Cleef, Eli Wallach, et surtout le grand Clint Eastwood, mon chouchou. Par ailleurs, j'avais bien apprécié Appaloosa (sorti en 2008), ce qui me mettait suffisamment en confiance pour entreprendre le visionnage de True Grit, un autre western "moderne".

Je dois dire que je n'ai pas été déçu. Le scénario, quoique reprenant quelques codes du genre (la traque au bandit notamment), est suffisamment original pour donner le souffle nécessaire au film. En effet, l'histoire nous met en présence de Matie Ross, jeune fille de 14 ans, dont le père a été assassiné par un de ses employés, et qui s'est enfui en territoire indien. Bien déterminée malgré son jeune âge à retrouver le meurtrier et à le faire payer, Matie réussit, à force d'insister, à engager le marshal Reuben Cogburn (joué par Jeff Bridges, vu notamment dans The Big Lebowski), connu pour être un dur à cuire et pour avoir la gâchette et la descente facile. S'ajoute le Texas Ranger LaBoeuf (Matt Damon), qui traque aussi l'assassin, et on obtient un trio des plus éclectiques en route pour une traque plutôt dangereuse en territoire hostile.

Le marshal Reuben Cogburn

Le film m'a tout d'abord plu par son côté un peu bourru, très réaliste, voire gore. Là où on est généralement habitué à voir des types mourir par balle en s'écroulant "tout simplement" après une petite cabriole, dans True Grit il y a enfin du sang, du vrai (y'a même des doigts coupés d'abord !). Ça fait donc plaisir de voir le western dans un registre un peu moins épuré. On est bel et bien plongé dans un univers violent, peuplé de hors-la-loi, et ça prend un peu plus aux tripes que les autres westerns (c'est bien la première fois que la violence dans un western me fait frémir). Alors certes, on est loin des magnifiques moments de tensions qu'on peut retrouver dans Le bon, la brute et le truand ou Et pour quelques dollars de plus, mais True Grit tire très bien son épingle du jeu avec son action plus brutale (la scène de la pendaison au début du film annonce d'ailleurs bien la couleur).

Ce réalisme et cette brutalité tiennent en bonne partie au jeu des acteurs. Reuben Cogburn, le marshal, est borgne, ivrogne, bourru et sale. Les dialogues sont tout aussi incisifs que les échanges de coup de feu (Matie se fait traiter de laideron, LaBoeuf de garçon vacher à la manque, le marshal d'ivrogne, entre autres). De plus, les bandits, le marshal, et nombre de protagonistes affichent de magnifiques sales gueules, ce qui accentue un peu le côté crado du film.

Bref, un film très sympathique, quoique ne valant pas un "vrai" (old) western, à mon goût.

lundi 22 août 2011

Démineurs


Démineurs (titre original : The Hurt Locker) est un film sorti en 2009 et réalisé par Kathryn Bigelow. On en avait beaucoup entendu parler, puisque le film a été nommé pour de nombreuses récompenses, et en a remporté également un bon paquet dont 6 Oscars en 2010 dont l'Oscar du meilleur film ainsi que celui du meilleur réalisateur (une première pour une femme). 

J'avais donc un certain niveau d'exigences vis à vis de ce film. J'ai finalement été un peu déçu, m'attendant à mieux. Démineurs reste cependant assez sympathique à voir. Le film met en scène une équipe de déminage opérant en Irak, sous les ordres du sergent James, fraîchement arrivé pour remplacer un des démineurs, mort pendant une mission. L'équipe est constituée de trois soldats : le sergent James, le démineur tête brûlée, le sergent Sanborn et le spécialiste Eldridge, tous deux chargés d'assister James pendant les missions, en assurant notamment sa couverture. Le trio sera confronté à des missions toutes plus difficiles les unes que les autres (voiture piégée, civil forcé de revêtir des bombes, explosion de citernes). Sanborn et Eldridge n'en mènent pas large face à leur travail (Eldridge notamment, assailli régulièrement par la peur, est suivi psychologiquement par le docteur de la base) et se rendent rapidement compte que ce n'est pas le cas de James, qui se complaît dans la peur et le risque, omniprésents pendant les missions. Au point de mettre toute l'équipe en danger.

Le sergent James découvre avec horreur que l'obus qu'il vient de désarmer n'est pas seul...

Dans la lignée d'un Lebanon, Démineurs tend à vouloir dépeindre la guerre avec le plus de réalisme possible. La mort est omniprésente, et la peur aussi. Dans tout autre film de guerre, les explosions sont plutôt l'occasion de "planter le décor", et il est rare de voir d'aussi près les conséquences d'une explosion. Dans Démineurs, une déflagration tue et détruit quasiment à chaque fois, et les poseurs de bombe rivalisent d'ingéniosité pour arriver à leurs fins. Chaque mission présente beaucoup de suspens, et une forte tension, puisque tout peut arriver d'un coup, et n'importe qui peut y passer.

Un démineur en tenue lourde progressant lentement vers un engin explosif : le calme avant la tempête
 
Les acteurs sont plutôt bons, et le réalisme est renforcé par la technique de shaky cam, et par certains plans filmés très près des protagonistes.

Bref, un film sympathique qui maintient en haleine et sous tension tout du long, même si je m'attendais tout de même à un peu mieux.