mardi 11 octobre 2011

L'amour d'Erika Ewald



L'amour d'Erika Ewald est un recueil de 4 nouvelles de Stefan Zweig publié en 1904. Tout comme La porte étroite m'a permis de découvrir André Gide, ce recueil est la première œuvre de Zweig que j'ai l'occasion de lire. C'est donc plein de naïveté et complètement vierge de toute impression sur cet auteur que j'ai ouvert le livre. Je dois dire que chacune des nouvelles m'a laissé plutôt perplexe.

L’œuvre est donc composé de quatre nouvelles : L'amour d'Erika Ewald, puis L'étoile au-dessus de la forêt, puis La Marche, et enfin Les prodiges de la vie. La première conte l'histoire d'une jeune pianiste un peu rêveuse qui tombe follement amoureuse d'un violoniste et qui finit par le fuir. La seconde narre l'histoire d'un serveur qui tombe amoureux d'une comtesse, mais qui n'osera jamais lui avouer. Le jour où celle-ci décide de quitter la ville, le jeune homme fait preuve d'une unique et violente preuve d'amour en se suicidant sous le train qui emmène sa bien-aimée, sans qu'elle n'en sache rien. La troisième nouvelle raconte les péripéties d'un jeune homme qui entreprend un voyage jusqu'à Jérusalem pour pouvoir contempler la "face du Sauveur". Enfin, la quatrième et dernière nouvelle met en scène un peintre qui doit honorer une commande de tableau et qui peint alors une Vierge à l'enfant, tout en liant un lien très fort avec la jeune fille qui lui sert de modèle (qui va, quant à elle, sortir peu à peu de la réserve sentimentale dans laquelle elle s'était enfermée).

Dans chaque nouvelle, même si l'histoire est différente, ce sont les sentiments qui sont mis au centre de l'intrigue. Chaque personnage est un enchevêtrement de sentiments tous plus complexes les uns que les autres, et qui sont parfois violents ou "bizarres/extrêmes" (comme le serveur qui montre son amour en se suicidant). On a donc des protagonistes passionnés, parfois agités et fiévreux, parfois violemment mélancoliques, ou tourmentés, souffrants, alertes, perdus, noyés, ou pleins d'espoirs. C'est un immense patchwork constitué de centaines de sensations différentes qui se déroule au fil des récits. La plupart des sentiments comprennent une grande part de violence intérieure chez chacun des protagonistes.

J'ai été plutôt perplexe dans un premier temps, face à chaque récit et à la plume de l'auteur. Le développement des émotions des personnages est prétexte à l'envolée lyrique systématique, poignante et belle dans un premier temps, soit, mais qui s'affadit ensuite peu à peu, comme si trop de lyrisme tuait le lyrisme. On se fatigue devant un tel déploiement de force pour décrire chaque perception dans toute son intensité, comme si l'auteur voulait susciter un nouveau sentiment à partir de la description du sentiment initial. Tout ce déploiement s'exprime notamment dans les nouvelles par la multiplication des adjectifs qualificatifs, comme on peut le voir dans ces quelques exemples : "Elle redevenait proche de ces livres merveilleux d'où se dégage une tristesse semblable au parfum lourd et enivrant exhalé par certaines fleurs étrangement sombres et mélancoliques." Ou : "Elle pleurait de façon ininterrompue, son corps abandonné contre le sien était parcouru de soubresauts, mais les sources brûlantes de ses yeux paraissaient intarissables ; on aurait dit qu'elles balayaient toute la souffrance amère qui s'était déposée lentement, comme des cristaux qui deviennent toujours plus gros, plus durs, et ne veulent pas fondre." Ou encore : "Une fois même, en pleine rue, elle se jeta à corps perdu dans sa passion comme un nageur dans le flot écumant, et s'élança telle une désespérée à travers la foule tranquille, sans reprendre haleine jusqu'au but tant désiré ; le visage rouge et la chevelure en désordre, elle arriva devant le portail de la maison. Le plaisir farouche qu'elle prenait à exprimer librement sa passion était devenu, en cette période de métamorphose, une force irrépressible qui lui communiquait une beauté sauvage et sensuelle." On en vient à avoir l'impression que l'auteur en fait trop, certains mots revenant parfois plusieurs fois (comme le verbe sourdre, que je n'ai jamais vu autant utilisé).

Néanmoins, ce point n'occulte cependant pas l'habileté avec laquelle Stefan Zweig arrive à décrire les sentiments qui agitent ses personnages. D'autant plus que cet indescriptible fouillis de sensations va finalement dans le sens de l’œuvre. On se perd dans l'écriture de Zweig comme les protagonistes se noient dans leurs émotions. On est balloté dans tous les sens, on crie grâce mais toujours, toujours à chaque nouveau trouble du héros, l'auteur nous assène un mot.

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