La promesse de l'aube est un roman autobiographique de Romain Gary, paru en 1960. L’œuvre est plus d'inspiration autobiographique que véritablement autobiographique, puisque l'auteur explique que "Ce livre est d'inspiration autobiographique, mais ce n'est pas une autobiographie. Mon métier d'orfèvre, mon souci de l'an s'est à chaque instant glissé entre l'événement et son expression littéraire, entre la réalité et l’œuvre qui s'en réclamait. Sous la plume, sous le pinceau, sous le burin, toute vérité se réduit seulement à une vérité artistique."
Romain Gary conte donc son enfance, depuis Vilnius où il est né, puis son passage en Pologne et en Russie, pour finir avec son installation à Nice lorsqu'il a 14 ans. Le jeune homme n'a alors jamais connu son père et vit avec sa mère qui l'élève seule. Sa mère, ancienne actrice juive, ne rêve que d'une chose : que son fils devienne un homme célèbre et reconnu. Et cette espérance va justifier tous les sacrifices effectués par la mère de Romain Gary : privations, travail parfois illégal ou épuisant. Plus que l'histoire d'une vie, c'est l'histoire d'un lien très fort entre deux personnes qui nous est contée. Car l'enfant ressent très tôt le poids de ses responsabilités sur ses épaules. Pour satisfaire l'ambition que sa mère a pour lui, il s'essayera successivement au théâtre, au violon, à la peinture, à la danse, au chant, pour finalement choisir de faire carrière en tant qu'écrivain. Dès l'âge de 14 ans, le jeune homme noircit des pages entières de tentatives de roman et de recherches de pseudonymes. Mais démarrer une carrière d'écrivain n'est pas chose aisée, et la mère et le fils doivent se soutenir mutuellement pour continuer d'espérer.
Le jeune homme grandit, et sa mère acquiert alors une situation financière stable. Romain va dès lors se consacrer entièrement à l'écriture et à des études de droit à Paris. Il devient élève officier à l'école de l'air de Salon-de-Provence. Il est pilote pendant la guerre, mais l'armistice vite signé, il décide de rejoindre les Forces Aériennes Françaises Libres (FAFL), une branche des Forces Françaises Libres, pour continuer à se battre. Il combat ainsi en Grande-Bretagne et en Afrique. Tout en assumant son activité de soldat, il continue d'écrire. Sa mère vieillit et semble de plus en plus fragile, ce qui ajoute la pression du temps à ses contraintes. Il réussit cependant à se faire publier. Il échange des lettres avec sa mère pour rester en contact, et rêve du jour où il rentrera triomphalement à Nice, avec ses décorations de soldat et ses œuvres publiées. Mais lorsqu'il rentre enfin, il apprend que sa mère est morte depuis trois ans, et que les lettres qu'il reçoit depuis trois ans ont en fait été écrites à l'avance et envoyées à intervalles réguliers. Ultime sacrifice d'une mère qui savait que son fils aurait besoin d'elle pour aller au bout de son destin. C'est une "fin" très rude, dès lors que l'on a digéré et intégré tout au long de l’œuvre le lien quasiment symbiotique qui unit Romain Gary à sa mère.
L'essence même de l’œuvre, l'amour entre les deux personnages, s'expriment très bien dans un court paragraphe, dès le chapitre 4. Romain Gary y évoque ce que la puissance de l'amour de sa mère, qui le laisse presque handicapé sentimentalement lorsqu'elle n'est plus là : « Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle
ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de
ses jours. Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses
bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont que des condoléances. On
revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien
abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se
referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent
d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt
et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous
jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages.
Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée
de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Je ne dis pas
qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement
qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer.
Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de
soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais
en vrais diamants. »
J'ai beaucoup apprécié cet œuvre, où l'on a affaire à une histoire et des personnages profondément humains. J'ai rarement eu l'occasion de lire un livre relatant un amour filial aussi important. De plus,les moindres péripéties de la vie de Romain Gary sont agréables à lire, et sa vie pendant la Seconde Guerre Mondiale est passionnante. Et l'auteur de conclure, comme dernière phrase de son roman : "j'ai vécu".